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Le tombeau de Nostradamus
disparu pendant la Révolution française
après la destruction de l’église saint-François,
tel que vous auriez pu le voir un siècle et demi
après sa mort.


Description du tombeau de Nostradamus, avant destruction, en 1718 à Salon(1). L'emplacement initial, redécouvert au début de ce siècle, est aujourd'hui situé dans le restaurant La Brocherie, rue d'Hozier.

1. Tiré de l’ouvrage Nouvelle / description / de la france: / dans laquelle ont voit / le gouvernement général de ce royaume / celui du chaque province en particulier; / Et la description des Villes, Maisons Royales, / Châteaux, & Monumens les plus remarquables. / avec les distances des lieux / pour la commodité des Voyageurs. / par m. piganiol de la force / a paris / chez Florention Delaulne / rue Saint-Jacques à l'Empereur. / M.DCCXVIII / avec privilege du roy, propriété de M. et Mme Hugues et Francyane Walter, directeurs du Grand Hôtel de la Poste à Salon-de-Provence, 1, rue des Frères Kennedy, 13300 Salon-de-Provence (France); texte recopié lors de mon passage en cet établissement début juillet 1995 avec leur aimable consentement.

« En entrant dans l'Eglise des Cordeliers par la porte du cloître, à main droite contre la muraille est le tombeau de Nostradamus, qui n'est autre chose qu'une saillie d'un pied qui s'avance au devant du mur. Ce tombeau est quarré de la hauteur d'un homme debout, & le dessus est en forme de talus ou de pente. Son portrait qui est là, le représente tel qu'il étoit à l'âge de cinquante-neuf ans. Il paroît avoir été bel homme. Ses armes et celles de sa femme sont sur le tombeau & sur un lé de toile noire, qui est entre son épitaphe & son portrait. Cette épitaphe est gravée sur une pierre; la voici :
D. M. Ossa Clarissimi Michaëlis Nostradami, unius omnium mortalium judicio digni, cujus penè divino calamo totius orbis ex astrorum fluxu futuri eventus conscriberentur. Vixit annos LXII. mensis VI. dies X. Obiit Salonæ MDLXVI. Quietem posteri ne invidete. Anna Pontia Gemella Salonia conjux opt. V. F.
Michel Nostradamus n'étoit point né à Salon, ainsi que l'on dit plusieurs Autheurs, & en dernier lieu Thomas Corneille dans son Dictionaire géographique... »

Daniel Ruzo : Signalons en passant une donnée biographique très intéressante, portée dans le Testament : au moment de dicter ses dernières volontés, Nostradamus ordonna que sa tombe soit placée dans l'église collégiale de Saint-Laurens, dans la chapelle de Notre-Dame. Il changea d'avis et biffa les paroles pertinentes pour ordonner cette fois l'érection de sa tombe dans l'église Conventuelle de Saint-Francois, de cette même ville de Salon entre la grande porte et l'autel de Sainte Marthe. A la fin du XVIIIe siècle, pendant la Révolution, cette dernière église et la tombe du prophète furent détruites. Ses restes profanés furent, peu de temps après, sauvés de la dispersion totale et placés dans une nouvelle tombe. Celle-ci, conformément à la première rédaction du Testament, qui avait été tout d'abord biffée par le prophète, se trouve dans l'église Saint-Laurens et dans la chapelle de Notre-Dame. Elle y est encore aujourd'hui et c'est là que nous l'avons visitée à l'occasion de chacun de nos voyages à Salon de-Craux, en Provence.

Robert Amadou (dossier) : il fut inhumé dans l'église des Cordeliers, le jour même de sa mort, (paraît-il « debout »), fête de la Visitation de Notre-Dame. Il avait vécu 62 ans, 6 mois, et 17 jours. Après la destruction du Couvent des Cordeliers en 1791, le Conseil municipal décida le 6 novembre 1791, la translation de ses cendres à la collégiale de Saint-Laurent, dans la chapelle de la Vierge; ou plutôt ce qui en restait, car les habitants s'en étaient partagés une bonne partie. Le soldat qui avait ouvert le tombeau de Nostradamus, fut tué le lendemain dans une embuscade près de Lançon. Nostradamus aurait affirmé : « Malheureux celui qui me déterrera ». Jolie légende pour finir ?

Edgar Leroy : Le corps de Nostradamus fut mis en terre, d'après son fils, « avec regrets, pompe et suite honorable ». Nous dirions que ce fut un bel enterrement, avc beaucoup de monde. On transporta le corps du célèbre astrophile « au vieil et ancien temple des Frères Mineurs, à main gauche de l'entrée ». On y mit « son pourtraict au naturel et ses armes qui sont de gueulles à une roue brisée, à huit rayons, composée de deux croix potencées d'argent écartelé d'or à une tête d'aigle, de sable ». Armoiries, assure César, qu'il tenait tant de ses aïeux paterneles que maternels : les marchands de civade de Carpentras et le clavaire de la ville de Saint-Rémy ! Sur une table de marbre d'environ huit pieds de long (près de deux mètres soixante-dix), « composée de trois quarrés, attachés contre le mur à la manière d'Italie », César fit graver ce qu'il appelle « ce court épitaphe », maintes fois reproduit depuis : (texte identique à 1718). Ce qui veut dire : « A Dieu très grand. Ici, les os du très illustre Michel de Nostredame, estimé digne entre tous les mortels de décrire, suivant le cours des astres et de l'univers tout entier, d'une plume presque divine, les événements de l'avenir. « Il a vécu 62 ans, 6 mois, 10 jours et mourut à Salon en 1566. Ne jalousez pas son repos, ô vous qui viendrez après lui. Anna Pontia Gemella à son mari bien-aimé, de son vivant, a fait cette épitaphe ». « Si j'ai composé cette inscription, déclare César, ce n'est ni par ostension, ni superflue vanité, mais par un juste devoir, accompagné d'un désir de jetter plus loin et plus avant le nom de celui qui m'a mis au monde, laissé quelque trace d'honneur excellent et non commun... Il a bien mérité cette niche tant exiguë et modeste parmi tant d'illustres et magnifiques trophées et marque d'immortalité ». César de Nostredame, Histoire de chronique de Provence. Pendant le longues années, la tombe de Nostradamus fut l'objet de vénération, tout au moins de visites sympathiques. « Les hostelleries de Salon, raconte B. Guynaud, étoient continuellement remplies de personnes qui arrivoient journellement de toutes les nations du monde pour voir la tombe et le tombeau de ce grand personnage ». Vers la fin du XVIIe siècle, un voyageur de Vic-le-Comte notait dans son cahier de route : « Le 27 (juin 1688) je fus entendre la messe à Salon où je vis chez les Cordeliers, l'épitaphe de Michel Nostradamus, médecin et très célèbre docteur de Montpellier, natif de Saint-Remy et mort à Salon, l'an 1566. Son portrait, fait par son fils César Nostradamus, qui est presque aussi habile homme que son pèe, est sur son tombeau. Sa femme et ses enfants sont enterrés à côté de lui dans l'église [A. Marignan. Quelques notes sur le midi de la France par un voyageur de Vic-le-Comte en 1688 (Mém. Academ. de Nîmes, 1902. p. 41)] On a quelques raisons de douter que les enfants de Nostradamus aient pu être tous inhumés à côté de leurs parents et l'on ne sait pas exactement ce qu'il advint par la suite de leurs restes. D'après Gimon, au temps des troubles de la grande révolution, « des gardes nationaux d'un bataillon marseillais [ d'autres disent des gardes nationaux du Vaucluse. Cf. jean Blanchard, Histoire de Salon, in 8°, Salon, 1935, pp. 153-154] qui s'étaient arrêté à Salon... ouvrirent le tombeau de Michel Nostradamus, enseveli à l'entrée de l'église des Cordeliers et brisèrent son cercueil, autant par forfanterie que pour satisfaire une vaine curiosité. Celui qui avait le premier osé commettre cette profanation ayant été fusillé quelques jours après pour avoir volé l'argenterie de la maison où il était logé, sa mort fut regardée comme une punition de son impiété. Les ossements de Nostradamus avaient été dispersés et mis au pillage; un marseillais, d'après la tradition locale, se serait emparé du crâne et aurait bu dedans. Le maire David recueillit ce qu'il put des reliques du prophète provençal, sauva son portait et celui de son fils César (peints sur métal par ce dernier), disant, afin d'intéresse les patriotes à la conservation de ces précieuse épaves, que le citoyen Michel Nostradamus avait prédi la liberté. Il fit placer les ossements à l'église Saint-Laurent, dans l'épaisseur d'un mur de l'ancienne chapelle de Saint-Roch, (aujourd'hui de la Vierge), avec une inscription qu'on lisait au-dessous et qui fut effacée à l'époque de la Restauration : L'an trois de la Liberté, le tombeau de Nostradamus, qui honora Salon, sa patrie, et dont le souvenir sera toujours cher aux patriotes français par ses prédictions du règne de la Liberté, fut ouvert. Les citoyens, empressés de conserver ses cendres, se les divisèrent; à peine la municipalité put-elle en recueillir la partie que cette tombe renferme; elle en a fait don à la postérité, ainsi que du portrait de cet homme célèbre et de celui de son fils l'historien, peints par lui-même » Aujourd'hui, dans cette même chapelle de l'église Saint-Laurent, l'ancienne collégiale du XIVe siècle, on peut lire en majuscules romaines sur une plaque de marbre de la paroi : RELIQUIAE MICHAELIS NOSTRADAMI IN HOC SACELLVM TRANSLATAE FVERVNT POST ANNVM MDCCLXXXIX. EPITAPHIVM RESTITVTVM MENSE JVLII MDCCCXIII. Les restes de Michel Nostradamus ont étté transportés dans cette chapelle après 1789. Son épitaphe a étté refaite au mois de juillet 1813. Suit un texte qui reproduit avec quelques variantes celui de César dans Son Histoire et Chronique de Provence : D.O.M au lieu de D.M.; Annos LXII, mense VI, dies XVII au lieu de dies X et l'ajout final de FELICIT. On serait surpris, pour ne pas dire un peu déçu, que la légende nostradamique n'eût pas survécu à l'objet même de son culte ! En effet, comme on fait dire à Nostradamus dans son épitaphe « Quietem posteri ne invidete », ce que, d'après Guynaud, Janus Gallicus (Chavigny) aurait traduit par : « O postères ! ne touchez point à ces cendres et n'enviez point le repos d'icelluy », on avait d'abord pensé que le grand homme avait surtout voulu défendre qu'on ouvrît son tombeau. Dans cette seconde phase, on avait ajouté sérieusement, comme Bouche dans son Essai sur l'Histoire de Provence, que Nostradamus avait entendu menacer de mort celui qui violerait sa sépulture. Par ailleurs, croyant se rappeler qu'à l'époque de la « Presse des Cabans » Nostradamus avait maudit les Salonnais : « Allez, méchants pieds poudreux, vous ne me les mettrez pas sur la gorge, ni pendant ma vie, ni après ma mort », l'on avait pensé que pour réaliser cette menace (incompréhensible autrement), il importait que le prophète eût été enterré debout et non couché comme tout le monde. Le pélerin de Vic-le-Comte se faisait déjà l'écho en 1688 de cette déduction émerveillée : « Le tombeau de Nostradamus, écrivait-il, se trouve dans la muraille de l'église. On croit que c'est parce qu'il eut quelque dispute avec les paysans qu'il voulut qu'ils ne pussent jamais lui mettre le pied sur la gorge, ou parce qu'on ne sait pas s'il était sorcier ou véritable prophète. » Et vers la fin du XVIIIe siècle, Bouche (Essai sur l'Histoire de Provence) croyait pouvoir témoigner « que le peuple de Salon est encore dans l'idée que Nostradamus se fit enfermer tout vivant dans son caveau, avec une lampe, du papier, de l'encre, des plumes et des livres, menaçant de la mort quiconque aurait la hardiesse de le troubler ! » Enfin, en 1814, on racontait qu'en 1793 le commandant d'un détachement de Marsaillais, au sac de l'église des Cordeliers de Salon, aurait déclaré à ses hommes qu'ils allaient voir si le prophète avait dit vrai ! Et, sans le moindre châtiment, à coups de hache, il aurait mis en pièces le cercueil de Nostradamus ! Mais la troupe, en route pour Marseillle, se serait mutinée en arrivant à Aix et le commandant sacrilège aurait été passé à la lanterne [Souvenirs prophétiques d'une Sybille, Paris, 1814]

Ajoutons à tout ceci qu’il existe vraiment plusieurs énigmes associées à ce tombeau : outre une investigation réelle du tombeau lui-même, le patrimoine qu’il n’a pas légué à ses enfants (cf quatrain 6707 : ... Les ieunes hoirs, de soupcon nul legat ...) et le trésor lié au nom de Pontia Gemella, mais ceci est une autre histoire... qu’il n’est pas encore sage de révéler.

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 maj : 25/06/1999